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Torture aux USA

A la fin du mois dernier, le détenu John Allen Muhammad, le "sniper de Washington", refusait de se soumettre à un examen médical qui n'avait pas été prescrit par le tribunal et dont il n'avait pu discuter avec son avocat. Face à son refus de coopérer, les gardiens ont activé sa ceinture de contrainte, envoyant une décharge électrique de 50.000 volts dans tout son organisme.  
 
Rares sont ceux qui éprouvent quelque sympathie pour cet homme qui a tué dix personnes, mais cet incident a souligné l'existence d'un dispositif aussi banalisé que dérangeant. En fait, si le recours à la ceinture de contrainte dans de telles circonstances est illégal, il n'a rien d'exceptionnel. Considérés comme une violation des droits de l'homme, ces dispositifs (dont la dénomination anglaise, stun belt, signifie littéralement "ceinture incapacitante") ont fait l'objet d'une condamnation internationale. Les autorités locales et le Congrès devraient imposer de nouvelles consignes pour leur utilisation, à défaut d'une interdiction pure et simple.  
 
A 800 dollars l'unité, ces ceintures sont pour ainsi dire la dernière mode dans l'univers correctionnel - un must pour le procureur ou le gardien de prison qui connaît son métier. Ce système, qui fonctionne avec des piles, est attaché à la taille du détenu. Le gardien a en main une télécommande toute simple, qui peut envoyer une décharge de 50 000 à 70 000 volts pendant huit secondes dans l'organisme du détenu, ce qui entraîne instantanément la perte du contrôle musculaire et l'incapacité de se mouvoir. Sous le choc, la plupart des gens défèquent ou urinent. Certains peuvent être victimes d'arythmie cardiaque mortelle. La faiblesse musculaire et la paralysie sont des symptômes qui durent entre trente et quarante-cinq minutes. Au printemps dernier, des shérifs du Wisconsin ont voulu démontrer aux médias combien ces ceintures sont inoffensives en envoyant une décharge électrique à l'un de leurs collègues. Le choc de cinq secondes lui a valu un séjour à l'hôpital après qu'il se fut blessé à la tête en s'écroulant au sol.  
 
Le recours de plus en plus fréquent à ces dispositifs aux Etats-Unis à fait naître l'inquiétude de certains de nos plus proches alliés sur le plan international. Amnesty International les classe dans la catégorie des équipements de torture et les décrit comme étant "cruels, inhumains et dégradants". La Commission des Nations unies contre la torture a également protesté, signalant que les ceintures de contrainte constituaient potentiellement une violation des Conventions de Genève.  
 
En dépit de ces objections, les ceintures de contrainte sont utilisées dans trente prisons d'Etat et dans tous les tribunaux fédéraux. Pour les prisonniers, elles ont le même effet qu'une matraque électrique pointée en permanence à quelques millimètres de leur crâne. A tout moment, le gardien peut presser une touche et les transformer en débile tremblant et prostré. De fait, la capacité de la ceinture à "humilier le porteur" est vantée comme un "grand avantage" dans la brochure de présentation d'un fabricant. Elle fait comprendre au détenu qu'une "simple pression du doigt peut l'obliger à déféquer et à uriner sur lui".  
 
Un tribunal a découvert récemment que les déclenchements accidentels étaient monnaie courante. Ainsi, Roy Hollaway, de Las Vegas, accusé de meurtre, en était à un moment critique de son procès lorsqu'un procureur, le doigt pointé sur lui, a demandé aux jurés: "Jusqu'à quel point la violence fait-elle partie intégrante de cet homme ?" Comme pour illustrer son propos, la ceinture de Hollaway fut actionnée et il reçut une décharge de 50 000 volts. Sous les yeux des jurés, il s'effondra en écumant, pris de convulsions.  
 
La menace perpétuelle d'un choc intentionnel ou accidentel a poussé certains tribunaux à en limiter ou à en interdire l'usage dans leur enceinte.  
 
Son utilisation manifestement abusive à l'encontre de Muhammad est potentiellement un cas de voie de fait et devrait faire l'objet d'une enquête. Aux Etats-Unis, un détenu ne peut faire l'objet de violences pour avoir refusé de se soumettre à un examen médical. Il n'y a aucune différence entre cet incident et un passage à tabac. Pourtant, ces bavures-là sont rarement traitées comme des crimes. En juin 1998, la juge Joan Comparet-Cassani, du tribunal de grande instance de Long Beach, a ordonné à un gardien d'activer la ceinture d'un accusé, Ronnie Hawkins, qui ne cessait de l'interrompre. Une commission d'enquête de la magistrature a par la suite refusé de pénaliser la juge, qui continue de présider en Californie.  
 
L'usage de ces ceintures devrait être proscrit dans les tribunaux et dans toutes les circonstances correctionnelles, sauf les plus graves. A tout le moins, cette affaire prouve qu'il est nécessaire d'imposer de nouvelles restrictions, ainsi qu'une formation pour les gardiens, lesquels devraient être poursuivis chaque fois qu'ils se livrent à un usage excessif de la force.  
 
 
 
Jonathan Turley 
 
 
Article publié dans Courrier International du 18 Septembre 2003 
 
 

 
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Modifié en dernier lieu le 10.02.2005
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